Smart City : nouvel eldorado pour les GAFAM ?

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GAFAM smart city

Comme dans tous les secteurs de l’économie actuelle, les GAFAM (Google Amazon Facebook Apple Microsoft) s’intéressent tout particulièrement au secteur de la Smart City, “infrastructure” alimentée par les données quotidiennes du citoyen.

Amazon, parce qu’il règne en maître absolu sur toute la chaîne de nos besoins quotidiens, de la recherche de produits et services grâce à Amazon Echo, en passant par la commande, jusqu’à l’arrivée dans notre frigidaire. Google, parce qu’il est le roi incontesté de la cartographie, ce qui lui permet de s’approprier et de verrouiller la problématique de la géolocalisation et donc de la mobilité dans la ville, jusqu’à garantir la mobilité des biens et des personnes grâce à ses véhicules autonomes.(1) Facebook parce qu’il constitue un vecteur d’information au sein de la Smart City, les villes et les habitants ayant développé eux-mêmes leurs usages pour mettre ceux-ci au service de leur environnement. En effet, les services proposés font appel à des données souvent géolocalisées, moins coûteuses que la mise en place de capteurs physiques (souvent essentiels à la réalisation de projets Smart City), ainsi les Réseaux Sociaux dans leur ensemble constituent une source prometteuse de développement. Microsoft est quant à lui un des acteurs pionniers, avec Cisco et IBM, qui a oeuvré à définir et à lancer le concept même de Smart City. Quant à Apple, au delà de son intérêt confirmé (officiellement en juin dernier) pour les voitures autonomes avec le lancement des premiers tests de son Apple Car, la firme semble davantage déterminé à se positionner en leader sur le marché de l’Iot.

L’action d’un géant des nouvelles technologies dans un domaine de la Smart City : Google et la mobilité

Prenons l’exemple de Sidewalk Labs, nouvelle division de Google consacré à la Smart City. Le géant américain veut mettre toutes ses technologies (IoT, big data, machine learning) au service de nouvelles formes de mobilité, pour décongestionner les villes. Ce programme appelé “Flow” permet également à Google d’accélérer son projet de Google Car, en récupérant les données liées aux problèmes de congestion et de trafic des villes. Google améliore ainsi le système embarqué de sa voiture autonome “Waymo”.(2) Google utilise donc l’éventail de ses données collectées pour créer une expérience globale de mobilité nouvelle et tenter par la même occasion de traiter l’un des aspects de la problématique Smart Mobility. De part sa puissance et son ancienneté dans le domaine de la collecte des données, Google est souvent désigné comme l’acteur qui risque d’éradiquer toutes les autres initiatives du domaine de la mobilité. Cette crainte, aussi légitime qu’elle soit n’est toutefois pas avérée et on a même plutôt vu l’émergence de nombreux acteurs tiers ces dernières années parmi lesquels Moovit ou Citymapper, ce qui tendrait à montrer un effet inverse. D’autant que des villes comme Toronto ou Montréal, par exemple, qui après avoir remis leurs données à Google, ont finalement réinvesti dans des solutions, notamment des sites d’information voyageur, répondant mieux aux besoins de leur population en intégrant leurs spécificités locales.(3) Si on prend justement le cas de Toronto, les expérimentations avec Google n’y sont qu’à leurs prémisses. Comme je l’explique plus loin dans ma partie consacrée au projet Quayside, quartier pilote de la ville, Toronto offre à Sidewalk Labs un accès libre aux données de la ville en échange des technologies de Google, et crée ainsi un véritable terrain de jeu pour le géant américain. Toutes les données qui permettent de mieux comprendre comment vivent les gens intéressent forcément Google. Non seulement l’entreprise crée une relation privilégiée avec les villes, et les citoyens, mais en plus cela lui permettra de comprendre avant les autres ce dont le marché aura besoin demain.

GAFAM : danger ou opportunité ?

Mustapha Derras* répond dans le journal Les Echos(4) à une Tribune publiée dans le même journal qui critiquait ouvertement la place des GAFAM dans la Smart City. Il y défend son point de vue différent sur le sujet et nous explique que ces “[…] entreprises qui sont durement critiquées (à tort ou à raison) sont tout de même celles qui ont fondées nombre des outils que l’on nous demande de mettre en oeuvre pour justement faciliter l’émergence de la “Smart City”. En effet, qu’il soit question de participation citoyenne, de transmission ou de stockage des données, des API, de plateforme de dématérialisation de démarches administratives et j’en passe, nous employons massivement des solutions et des briques techniques issues de ces grands “profiteurs” que sont Google, Cisco, IBM, Oracle et Cie. Devrions-nous alors déployer plus de solutions et engager une réelle ouverture des données et de l’accès de tous les citoyens avec… des technologies provenant de ces mêmes “profiteurs”? […] Il existe là une véritable question de fond qui concerne notre indépendance technologique dans le domaine du numérique.”

Un regain de souveraineté des Etats.

Alors bien sûr il faut veiller à ce que ces technologies qui révolutionnent nos vies et les entreprises qui les développent ne soient pas tentées d’abuser de leur position dominante. Du fait de l’emprise croissante de ces entreprises dans nos vies (Google capte près de 90% des requêtes sur les moteurs de recherche), les Etats tentent de s’organiser pour riposter ou pour le moins contenir la mainmise des GAFAM dans tous les moments clés de notre quotidien. Il faut faire en sorte que la souveraineté des Etats, et en particulier leur souveraineté numérique, ne soit pas oubliée ou reléguée au second plan sous prétexte que les GAFAM ont étendu leur influence auprès de presque toute la population mondiale.
Globalement, il semble que seuls Google, Amazon et Microsoft aient de réelles ambitions dans le domaine de la Smart City. De part leur savoir-faire et leur expérience, ils souhaitent conquérir ce centre de pouvoir qu’est la ville et trouver de nouveaux territoires digitaux pour accroître leur business et exploiter ainsi toute la donnée monétisable. Mais ces géants de l’informatique ne finiront-ils pas par se heurter à la méfiance des autorités publiques et des usagers ? D’autant que les autorités elles-même, notamment européennes, s’apprêtent à prendre des mesures réglementant l’exploitation des données personnelles, en incitant les organisations et les entreprises à être davantage vigilantes. Ce règlement général sur la protection des données (ou General Data Protection Regulation, GDPR) entrera en vigueur le 25 mai 2018 et concernera l’ensemble des données attenantes à un individu. Les entreprises internationales traitant des données à caractère personnel devront, elles aussi, s’y conformer. Les GAFAM en tête car elles sont détentrices de 95% des données personnelles des européens. Pour beaucoup, la GDPR est une bonne nouvelle, car c’est une loi qui renforce l’Europe et promeut l’intérêt général des citoyens de l’UE. Elle va dans le sens de la démocratie des usages d’Internet et constitue une réponse démocratique contre l’autocratie de l’Internet américain menée par les GAFAM.

 

Sources

 

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